DOUK'SAGA
Bye-bye, Héros national !
Douk’Saga est mort le 12 Octobre. L’étoile la plus lumineuse du coupé-décalé s’est éteinte. Et comme le laissait présager le déferlement humain lors de l’arrivée de sa dépouille, ses obsèques ont été impressionnantes. De mémoire d’Abidjanais, on a rarement vu un tel déchaînement de passion pour un artiste.
02/11/06 Des dizaines de policiers, gendarmes, vigiles…mobilisés. Un motard (un gendarme) qui ouvre la voie à coups de sirène. Un cortège d’hommes et de véhicules à perte de vue. Plusieurs rues et même des quartiers paralysés pendant des heures. Des milliers de personnes qui forment une haie compacte autour du corbillard. Des dizaines de milliers d’autres massées tout le long du parcours, au bord des routes. C’était tout simplement impressionnant, la procession qu’il y a eu dimanche après-midi, à travers Abidjan, pour accompagner le corps de Douk’Saga, du parc des sports au cimetière de Williamsville.
Pour les obsèques de Douk’Saga, tout a véritablement commencé dans l’après- midi du vendredi 27 octobre à Ivosep. Il est 15 heures quand des boucantiers arrivent pour voir le corps de leur ami, pour la première fois depuis son décès. En état de choc, au sortir de la chambre froide, leur discours est empreint d’un certain fatalisme : «L’homme n’est rien. Que sommes-nous venus chercher sur terre si c’est pour mourir si jeune ?» lancent-ils à plusieurs reprises. Puis la conversation glisse sur le terrain de l’organisation des obsèques. Certains se posent des questions quant à la bonne gestion de tous les dons qui affluent de toutes parts.Cette conversation est interrompue par les “laveurs de cadavres” qui informent qu’ils ont besoin de teinture pour les cheveux et la barbe de Douk’Saga. Parce qu’ils ont commencé à le préparer pour la levée du corps prévue pour dimanche. Pendant que les laveurs font leur travail, David Monsoh, Hassan De Couk, Antonio Faragoué, eux, choisissent le cercueil…Au même moment, au Palais des sports, une foule immense se masse déjà à l’entrée. Elle attend l’ouverture des grilles pour participer à la veillée de Douk’ Saga. A l’intérieur, le dispositif de sécurité est impressionnant avec des dizaines et des dizaines de policiers. Plusieurs journalistes, venus principalement de la sous-région, se préparent, eux aussi, pour la longue nuit.Il est 19h 40 ce vendredi, la veillée n’a même pas encore débuté qu’une coupure d’électricité survient. Dans un calme étonnant, le public ne panique pas. Il allume plutôt des bougies et entonne les chansons du Président très très fort. Les premiers frissons se saisissent des fans. Dehors, une foule presque aussi nombreuse que la dizaine de milliers de personnes présentes dans le stade a formé des rangs et attend d’entrer dans le stade…Quand l’électricité est rétablie au bout de quelques minutes, la soirée démarre enfin. Des artistes dont Meiway, Ismaël Isaac, Erickson le Zulu, Dezy Champion… prestent. A 0 h 45, c’est l’émoi dans la cuvette du parc des sports. La musique s’arrête et on attend une voix quasi identique à celle de Douk’Saga. Les regards cherchent partout. Puis on aperçoit un sosie sur un cheval blanc. Avec le même physique que Douk’Saga. L’imitation est très réussie. Tétanisées par l’émotion, certaines filles n’arrivent pas à retenir leurs larmes. D’autres éclatent carrément en sanglots…. Quand le sosie commence à appeler les amis de Douk’Saga sur scène (Molare, Jean-Jacques Kouamé, Lino Versace, Borosangui, Serge Défalet, Kuyo Junior…), on craint qu’une fois encore le public ne hue Molare. Comme il l’avait déjà fait à l’arrivée du corps de Douk’Saga. Mais il n’en sera rien. Même pas quand Jean-jacques Kouamé lâche cette petite phrase lourde de sens et de non-dit «Molare, malgré tout ce qui se dit sur toi, tu restes mon frère.»Dimanche matin, retour au parc des sports. A 6 h 30 déjà, les premiers fans sont devant les grilles. La Jet-set arrive à Ivosep vers 8 heures. Dans la salle où le corps de Douk’Saga est exposé, l’heure est au recueillement, à la prière. Alida (sa femme légale,) sa mère, son oncle Moustapha Doukouré, Ali Diaby (son grand oncle) … sont en face du corps. Sur une autre rangée, on retrouve le petit Stéphane Doukouré Junior (son fils), Mawa Diomandé (la mère de son fils), Ami (sa sœur)…. Quand le corbillard transportant le corps arrive au Parc des sports vers 9 heures, le stade est bien garni. Mais moins que le vendredi soir. La cérémonie de levée du corps débute et se déroule sans encombre jusqu’à ce que Gadji Céli annonce, à 10 h 45, que Douk’Saga recevra une décoration (officier dans l’ordre du mérite culturel) à titre posthume. Le refus de la foule est catégorique. «On ne veut pas. Gardez votre décoration. Il a réclamé cette médaille quand il était vivant. Ce n’est pas à sa mort que vous allez la lui donner», scande-t-elle. Les arguments comme celui-là, «dans son testament Douk’Saga avait demandé qu’on le décore» ou encore «ce n’est pas parce qu’il est mort qu’on veut le décorer. Le décret de décoration a été signé en juillet, on attendait juste qu’il se rétablisse pour le décorer» ne font pas fléchir les fans. Bien au contraire. Finalement, le public acceptera qu’on décore son héros contre la promesse de lui créer une fondation où on exposera ses vêtements, ses chaussures etc. Il est 11h 15 quand le corbillard sort du Parc des sports sous un nuage de confettis. direction, Williamsville. Ce cortège est surpris par une grosse pluie à la descente du pont Houphouët-Boigny, au Plateau. Mais l’averse subite ne refroidit aucunement l’ardeur et la ferveur des fans de Douk’Saga, décidés à l’accompagner à pieds jusqu’à Williamsville. Même pas le soleil de plomb qui succèdera à la pluie quelques minutes plus tard. A Williamsville, à quelques centaines de mètres du cimetière, le cortège croise de nouveau une averse, plus violente et plus longue que la première. Cela n’a aucune incidence. Des milliers de personnes restent massées le long du parcours, sur les ponts…. On assiste pratiquement à un remake du déferlement humain qu’il y a eu à l’accueil du corps, mais cette fois, avec la pluie en plus. A mesure que le corbillard s’approche du cimetière, l’avancée se fait plus difficile. A cause du nombre impressionnant de personnes et de véhicules. les policiers n’arrivent plus à frayer un passage au corbillard.Quand le cortège arrive afin au cimetière, l’endroit est déjà bondé. Du monde partout. Certains (plusieurs centaines) sont perchés sur des arbres, sur des caveaux…qui risquent de s’écrouIer à tout moment. Impossible donc pour les porteurs d’esquisser le moindre geste pour conduire le cercueil de Douk’Saga à sa tombe. Quant à la pluie, elle continue de tomber et redouble même d’intensité. Tout le monde est sous des trombes d’eau et patauge dans la boue. La police décide alors d’utiliser la manière forte, les coups de pieds, les coups de matraque pleuvent, histoire de faire de la place au cercueil et aux porteurs. Mais peine perdue. La foule est toujours aussi compacte et hargneuse dans son désir d’être témoin privilégié de l’inhumation du sommet de l’himalaya. Certains fans dépités avaient même commencé à balancer des projectiles, plusieurs personnes seront blessées. C’est presque un miracle si on ne déplore pas de perte en vie humaine sur le moment, tellement les échauffourées entre policiers et fans étaient nombreuses, et violentes par moments. C’est finalement au forceps que les porteurs ont réussi à sortir le cercueil du corbillard pour le conduire jusqu’à la tombe pour enfin l’inhumer. Il était un peu plus de 14 heures et la pluie continuait de tomber.Non loin de là, sous une bâche, les parents de Douk’Saga, Moustapha Doukouré, à leur tête, attendent sagement une accalmie pour voir le lieu où repose à jamais leur fils. Ce répit n’arrivera jamais. Ils fendront eux-mêmes la foule pour aller voir la dernière demeure de leur fils et donner l’autorisation de couler une dalle pour la fermer…
L’héritier de son père ?
Il est 1h 45 du matin, à la veillée de Douk’Saga. Un petit garçon accroché au bras de sa mère monte sur le podium. Le petit Stéphane Doukouré Junior, trois ans (il est né le 30 décembre 2003), reçoit, devant une foule déjà acquise à sa cause, une canne en ivoire et en bois sculptés. La canne de Douk’Saga, son défunt père. Une canne symbole du
“pouvoir” que son «jet-setteur» de père lui lègue. Le seul enfant reconnu de Douk’Saga a donc pris le pouvoir, du moins à en croire cette remise officielle de canne. Mais cela suffira-t-il à étouffer une guerre de succession au sein de la jet-set ? Rien n’est moins sûr, alors wait and see.
mercredi 20 décembre 2006
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